Les régulations atteignent leur objectif

Dans le cadre de ma série sur le rôle régulateur de l'état, j'adresse enfin la question de savoir si les législations régulatrices réussissent à protéger les faibles, les naïfs, ceux qui n'ont pas le savoir, l'éducation, ou la maîtrise nécessaire de la complexité de notre société. C'est-à-dire je demande si les régulations atteignent le but qu’elles se donnent.

Interdire une action ou une transaction volontaire ne suffit pas à l’éliminer. Ça se passera quand même, mais « au noir ». La plupart des gouvernements interdisent la prostitution, et pourtant c’est le plus vieux métier du monde. La plupart des gouvernements interdisent la drogue, et pourtant il y a des drogués partout.

D’abord, les gens qui voudraient faire des choses proscrites se reportent sur des choses similaires mais permises. Si on ne peut pas faire de la pub pour certains médicaments, on en fera pour de la para-pharmacie (crèmes anti-rides, etc). Donc de toutes façons il y aura un moyen de capter l’argent des gens qui sont mal dans leur peau en leur vendant un peu de rêve. Si on ne peut pas consentir des prêts à des gens ayant peu de collatéral, on proposera des investissements peu rentables ou trop risqués pour capter les économies des gens qui rêvent de devenir riches sans travailler. Comme on ne peut pas tout réguler, tout interdire, il y aura une course-poursuite incessante entre les législateurs et les entreprises pour innover de manière à contourner les règles. Ça ne changera strictement rien, mais les perdants seront les contribuables qui paient les législateurs à pondre des lois inutiles, et les consommateurs qui paient les entreprises pour imaginer des produits inutilement complexes.

Ensuite, les gens qui voudraient faire des choses proscrites continueront à le faire dans l’économie souterraine. Il y aura des pilules qui se vendent sous le manteau dans des endroits louches. Il y aura des usuriers flanqués de collecteurs de dette musclés qui prêteront de l’argent aux gens désespérés. Au total, l’échange se fera quand même, mais hors de la protection de la loi. En cas de fraude, la victime ne pourra pas porter plainte pour demander réparation. Sûrs de leur impunité, les vendeurs de pilules et les prêteurs à gage seront systématiquement plus disposés à frauder. Donc en fin de compte c’est le consommateur qui se fera avoir.

Cette prohibition aura donc l’effet exactement opposé de celui recherché : elle ne protègera pas le consommateur, elle le livrera pieds et poings liés aux gangs de criminels.
A suivre...

Le gouvernement, protecteur des faibles?

Dans le cadre de ma série sur le rôle régulateur de l'état, je me demande maintenant si le gouvernement est le mieux placé pour protéger les faibles, les naïfs, ceux qui n'ont pas le savoir, l'éducation, ou la maîtrise nécessaire de la complexité de notre société.

On ne peut pas faire le bonheur de quelqu’un contre son gré. Or le gouvernement détient le monopole de la contrainte, de la coercition, de la force. Donc il est le moins bien placé pour faire le bonheur contre leur gré des faibles, des naïfs, de ceux qui n'ont pas le savoir, l'éducation, ou la maîtrise nécessaire de la complexité de notre société.

Pour donner une analogie, c’est exactement comme si je disais à une femme : « Voilà. J’ai bien réfléchi à ta situation. Et j’ai conclu que c’était mieux pour toi que tu m’épouses. Je ferai ton bonheur, même si tu es trop conne pour t’en rendre compte par toi-même. Donc je vais te forcer à me dire oui en face de monsieur le maire. Si tu refuses, je t’imposerais des amendes et/ou te jetterai en prison. »

Il est possible qu’effectivement cette pauvre fille bénéficie qu’on la convainque de m’épouser, mais ça ne peut en aucun cas venir de quelqu’un qui dispose de l’usage de la force et de la contrainte. De la part de quelqu’un qui a un bâton, tout argument devient une menace, et maintenir son désaccord devient un risque tangible.

On peut prévenir les gens qu’ils vont regretter leur décision, mais on ne peut pas les forcer. C’est exactement la politique étrangère de Ron Paul, le candidat à l’investiture républicaine pour la Maison Blanche. Il dit que, si on veut qu’une nation étrangère comme le Vietnam ou l’Irak devienne plus libre, on peut discuter ou faire du commerce avec elle, mais pas l’envahir.

Une bien meilleure source de protection pour les faibles est la concurrence. En effet, toutes les compagnies pharmaceutiques peuvent faire de la publicité pour leurs produits. Et pourtant les gogos ne vont pas acheter chaque produit vanté par la réclame. Il y aura concurrence entre les produits, et comme les consommateurs ont un budget limité à leur disposition, certains produits auront du succès et d’autres pas.

La distinction se fera-t-elle sur la qualité du spot de pub ? Même là, il y a concurrence entre les agences. Si une agence développe une nouvelle technique de marketing, les autres la copieront. A moyen terme, il faut bien supposer que l’efficacité d’une campagne publicitaire est proportionnelle à son budget, car le talent s’achète.

Donc quel produit sera gagnant ? Celui qui marche le mieux. C’est l’effet « bouche à oreille » : Madame Michu au 6ème étage a acheté des pilules Zorg et depuis je la vois monter et descendre les escaliers pour faire une promenade deux fois par jour, alors qu’avant elle sortait à peine trois fois par semaine pour faire ses courses. Même les consommateurs les plus idiots sont capables d’acheter des revues comme « Que choisir ? » ou « 50 millions de consommateurs » qui font des essais comparatifs. Ce sont d’ailleurs les plus consommateurs les plus avides qui sont les plus à même d’acheter de telles revues. Avec l’internet, il est difficile de croire que le produit le plus efficace ne s’adjugera pas la plus grosse part de marché. Les âmes charitables qui veulent voler au secours des simples d'esprit feraient mieux de fonder de telles revues ou de telles sites que de donner les pleins-pouvoirs aux gendarmes.

Ce n’est pas parfait, bien sûr, mais en moyenne, à long terme, la concurrence entre vendeurs protège les acheteurs. Dès qu’il y a concurrence, il est difficile de gagner des parts de marché en vendant du vent.

Là encore, l’exemple de Ron Paul est édifiant. Tous les candidats républicains dépensent leur budget à faire de la pub, et essaient de profiter de la puissance de l’internet. Mais ça ne marche que pour celui dont le message de liberté résonne avec l’américain de base. C’est le meilleur produit politique qui bat la concurrence à plate couture, même si la publicité est permise.
A suivre...

Protéger les naïfs : est-ce désirable ?

Dans le cadre de ma série sur le rôle régulateur de l'état, je me demande ici s'il est désirable de protéger les faibles, les naïfs, ceux qui n'ont pas le savoir, l'éducation, ou la maîtrise nécessaire de la complexité de notre société.

Une interdiction imposée par l’état frapperait tous les clients potentiels. Vue la diversité humaine, certains achetaient le produit ou le service pour de « bonnes » raisons, et d’autres pour de « mauvaises » raisons (en supposant qu’on soit assez omniscient pour pouvoir distinguer, assez arrogant pour être sûr de son jugement, et assez violent pour l’imposer par la force). Au nom de quoi sacrifie-t-on celui qui aurait bénéficié de l’achat pour « sauver » celui qui aurait fait l’achat pour de « mauvaises » raisons ? N’est-il pas immoral de pénaliser celui qui a assez de jugement pour prendre les « bonnes » décisions et de récompenser celui qui ne s’est pas donné la peine de réfléchir avant de dégainer son porte-monnaie ?

Si l’état pénalise un comportement et récompense un autre, fatalement le comportement pénalisé se fera plus rare, et celui récompensé plus fréquent. On aura donc une société où les gens perdront l’habitude de réfléchir par eux-mêmes, et prendront l’habitude de s’en remettre à l’état pour tout. On voit bien ce en quoi cela bénéficierait à l’état en tant qu’institution, mais on voit mal en quoi cela concourrait au progrès de la civilisation et serait dans l’intérêt de l’humanité.

Ce qui est désirable sur le plan éthique, c’est que chaque adulte soit responsable des décisions qu’il prend. Car si lui n’en est pas responsable, au nom de quoi un autre le serait-il ? Toute atteinte à la notion de responsabilité est profondément déshumanisante, infantilisante et humiliante. Si on traite les gens ainsi, il ne faut pas s'étonner qu'ils se comportent en animaux prisonniers de leurs plus bas instincts, en éternels adolescents insatisfaits, et en mendiants professionnels. Mais peut-être est-ce là le but recherché par nos chers dirigeants? Car une telle masse informe, incapable de volonté à long terme, est tellement plus facile à mener à la baguette avec du pain et des jeux...

Comptons les contents et les mécontents d’une telle interdiction soi-disant protectrice:

  • Celui qui achetait le produit pour de bonnes raisons est mécontent.

  • Le marchand qui vendait le produit est mécontent.

  • Celui qui achetait le produit pour de « mauvaises » raisons est perdant aussi, parce qu’il est persuadé au moment de l’achat que cet achat était dans son intérêt personnel ; on ne l’a pas convaincu qu’il avait tort, on l’a juste forcé à ne pas faire ce qu’il voulait ; donc il n’est pas content.

  • Le fonctionnaire qui a imposé l’interdiction est content, parce que cela justifie son salaire.

  • Le contribuable qui paie le salaire du fonctionnaire n’est pas content.

On le voit, cette interdiction ne bénéficie qu’à l’état, et aucunement au peuple que l’état est censé servir. La vérité est que l’état est à son propre service. Il produit des interdictions arbitraires pour scinder le peuple qu’il contrôle en groupes d’intérêts opposés (selon le vieux principe : diviser pour mieux régner), et réinvestit ses bénéfices dans une propagande massive pour déguiser sa forfaiture.
A suivre...

Protéger les naïfs : est-ce possible ?

Dans le cadre de ma série sur le rôle régulateur de l'état, j'examine à présent l'idée selon laquelle il est possible de protéger les faibles, les naïfs, ceux qui n'ont pas le savoir, l'éducation, ou la maîtrise nécessaire de la complexité de notre société.

La triste vérité, c’est qu’on ne peut pas empêcher les gens de faire des conneries. A la limite, on ne pourra jamais empêcher les gens de se suicider. Si on empêche une connerie, les faibles, les naïfs, ceux qui n'ont pas le savoir, l'éducation, ou la maîtrise nécessaire de la complexité de notre société en feront une autre. Cela revient à faire un choix entre des conneries permises et d’autres qui ne le sont pas. Mais à partir du moment où la pire des conneries, qui est le suicide, sera toujours possible, ce choix est purement arbitraire, et on ne peut pas dire qu’on empêche les grosses conneries pour ne permettre que les petites.

D’ailleurs, une société où le suicide serait interdit serait une société infiniment triste. Les esclaves n’avaient pas le droit de s’auto-mutiler. Un soldat assujetti aux ordres de ses officiers n’a pas le droit de se suicider non plus. Ce sont là les deux conditions humaines qui représentent la négation parfaite de la liberté. La liberté, c’est aussi la liberté de faire des conneries.

En général, ce sont les sociétés les plus sévèrement contrôlées, c’est-à-dire celles où les gens ont le moins le droit de faire leurs propres conneries, qui ont le taux de suicide le plus élevé.

En allant un cran plus loin, si on veut le modèle d’une société où le suicide est non seulement interdit mais impossible, il y en a un seul : l’enfer décrit par Jean-Paul Sartre dans sa célèbre pièce de théâtre "Huis Clos". Même battre des paupières pour se reposer un instant des tourments de l’enfer était impossible.

Si donc on reconnaît que disposer librement de son corps est une condition fondamentale de la dignité humaine, ce qui implique de pouvoir en user pour le bien ou le mal, le développer ou le meurtir, alors a fortiori les gens peuvent faire les autres conneries de moindre importance qui ne mettent en danger que les biens matériels en leur possession.

De plus, il est complètement impossible de juger de manière objective du caractère inutile, défectueux ou nocif d’un produit ou d’un service. Un placébo, par exemple, est inutile parce qu’il ne contient aucun médicament actif, et pourtant il guérit certains malades par un effet purement psycho-somatique. L’espérance mathématique de gain au loto est négative, et pourtant ça donne un peu de joie et d’excitation aux gens qui n’en ont pas d’autre. Transpercer ses organes génitaux avec des petits bijoux est nocif, et pourtant beaucoup de jeunes adorent ça. On pourrait multiplier les exemples à l’infini.

Pour déterminer si l’interdiction de telle ou telle transaction commerciale protège le client (qu’on suppose naïf), ou au contraire lui nuit, il faudrait lire dans son âme. On ne sait pas pourquoi les gens font ce qu’ils font. Il faudrait être Dieu pour en juger. Or aucun homme et aucune collectivité d’hommes ne peut se prendre pour Dieu. Ça serait fou et dangereux.

Cette attitude présuppose que celui qui porte le jugement est omniscient et supérieur au client dit « faible et naïf ». C’est une négation profonde du principe d’égalité auquel les Français, et surtout les agents de l’état, se disent si attachés. Et pourtant il faut bien être supérieur pour juger qu’un autre est incapable de savoir ce qui est bon pour lui. L’état ne peut pas se positionner par rapport à ses administrés comme un père vis-à-vis de ses enfants en bas âge, ce serait profondément insultant et infantilisant. Les membres de l’appareil d’état sont des hommes comme les autres, ni plus sages ni plus justes, et le fait d’avoir passé un concours de fonctionnaire ou gagné une élection ne leur confère aucun pouvoir divinatoire surhumain.

A suivre...

La chasse au client

Dans le cadre de ma série sur le rôle régulateur de l'état, j'analyse à présent l'idée selon laquelle les industriels et commerçants tendriaent des pièges habiles à leurs clients. C'est-à-dire qu'ils auraient recours au mensonge, à la tromperie et à la fraude comme pratiques courantes.

Mais la vérité, c'est qu'aucune entreprise ne peut durablement de fonder sur le mensonge et la fraude. Si un fournisseur A passe un contrat avec un client B, que B paie le prix spécifié dans le contrat, mais que A ne délivre pas le service ou le produit spécifié dans le contrat, A doit réparation à B. Il y a tromperie sur la marchandise, ce qui n’est en rien différent d’un vol. Les voleurs et autres agresseurs contre la propriété privée d’autrui doivent être forcés à compenser leurs victimes.

Aucune relation humaine durable ne peut être fondée sur le mensonge et la fraude. Tôt ou tard, les victimes s’en aperçoivent et demandent justice. A ce moment-là, le fraudeur voit sa capacité à faire des affaires singulièrement réduite. Si la fraude est suffisamment importante, l’entreprise fait faillite. Les actionnaires n’aiment pas ça du tout. Ils découragent ce genre de comportement de la part du PDG et de tous les autres employés. Ils veulent des affaires stables qui doivent leur succès à la satisfaction des besoins des clients, et non à un mensonge susceptible d’être découvert à tout instant.

Le client n’est pas un gibier qu’on prend au piège, et le marchand n’est pas un chasseur habile. Cette analogie de violence physique est particulièrement inappropriée pour décrire une relation entièrement consensuelle. En effet, personne ne force le client à acheter ni le marchand à vendre.
A suivre...

Les vendeurs se foutent des acheteurs

Dans le cadre de ma série sur le rôle régulateur de l'état, j'examine à présent l'idée selon laquelle les industriels et commerçants agiraient sans considération pour l'intérêt de leurs clients.

Le point faible de cette théorie c'est que, sans client, l’entreprise fait faillite du jour au lendemain. Il faut donc satisfaire le client. La vérité du secteur marchand, c’est que le client est roi. Quiconque ignore ce principe fondamental court à sa perte.

Les clients n’aiment pas se séparer de leur argent. D’ailleurs, pour provoquer la chute d’une entreprise, les clients n’ont pas beaucoup à lutter : il leur suffit de rester chez eux, sans faire l’effort de se déplacer et d’aller faire leurs courses dans cette entreprise. Pour que les clients sortent leur porte-monnaie, il faut vraiment qu’ils le veuillent. Il faut qu’au moment de l’acte d’achat, ils pensent que c’est dans leur intérêt propre de faire cette transaction. Le client achète uniquement si l’usage qu’il fera du produit ou du service lui semble préférable aux autres usages alternatifs auxquels il aurait pu affecter son argent. Les industriels et commerçants qui agissent sans considération pour l'intérêt de leurs clients se retrouvent au chômage.

La première préoccupation d’un industriel ou d’un commerçant est donc d’agir dans l'intérêt de son client, tel que ce client lui-même le définit au moment de l’acte d’achat.

Qui mieux que le client lui-même peut définir ce qui est son intérêt propre ? Je n’ai pas de fenêtre sur l’âme humaine. Je ne peux pas savoir les motivations secrètes qui poussent un client à agir. Et même si je le savais, au nom de quoi passerais-je jugement ? Personnellement, je ne veux certainement pas qu’on me dire ce que je dois acheter, ou même ce que je dois faire. Je revendique la liberté de prendre mes propres décisions et d’en assumer les conséquences, bonnes ou mauvaises. Je ne suis pas un enfant !

De plus, à quel autre moment le client doit-il évaluer son intérêt propre, sinon au moment de l’acte d’achat ? Comme on dit : avant l’heure, c’est pas l’heure ; après l’heure, c’est plus l’heure. Avant l’achat, le client a le temps de changer dix fois d’avis. Après l’achat, il va soit regretter son acte, soit s’en féliciter. Il ne peut pas savoir à l’avance. Il prend ce risque, et il l’assume. Cela s’appelle être responsable de ses propres actes. Si je ne suis pas responsable de mes actes, je ne suis pas un homme, et je ne peux pas vivre en société. Les adultes déclarés irresponsables sont enfermés dans un asile. On les relâche quand ils ont convaincu les psychiatres qu’ils peuvent se conduire en public de manière responsable, pas avant. Et c’est tant mieux.

En conclusion, le fait que les industriels et commerçants agissent dans l'intérêt de leurs clients, tels que ces clients eux-mêmes le définissent au moment de l’acte d’achat, est tout à fait nécessaire et conforme à la nature de l’homme et de la société.
A suivre...

L'obsession du court terme

Dans le cadre de ma série sur le rôle régulateur de l'état, je me tourne maintenant vers l'idée selon laquelle les industriels et commerçants seraient motivés uniquement par une logique de profit immédiat. C'est-à-dire qu'ils auraient une vision à court terme au detriment du long terme.

Cette idée est erronnée parce que le but premier d’une entreprise, c’est de survivre. L’entreprise sacrifie toujours les profits à court terme afin d’assurer sa survie à long terme. Cela s’appelle investir. La raison est que l’entreprise appartient aux actionnaires, qui la contrôlent via le conseil d’administration. La valeur de leurs actions est égale à la somme de tous les profits futurs. Donc à chaque fois qu’ils sacrifient des profits immédiats pour effectuer un investissement judicieux qui accroîtra les profits futurs par un montant supérieur au coût de l’investissement, leurs actions montent.

C’est le principe de la propriété privée. Si tu es propriétaire de quelque chose, tu fais l’effort d’en prendre soin aujourd’hui, parce que tu en seras encore propriétaire demain. C’est pour ça que tu ne laisses pas traîner les ordures ménagères dans ta chambre : parce que demain ça va sentir mauvais. Donc seuls les propriétaires peuvent avoir une vision à long terme.

Par contraste, les fonctionnaires et les hommes politiques ne peuvent pas avoir de vision à long terme, parce qu’ils ne sont pas propriétaires de la France. Ils n’en ont la jouissance que de manière temporaire. Donc ils sacrifient le stock de capital civilisationnel accumulé depuis des millénaires pour des bénéfices de court terme. C’est exactement le contraire de ce qu’on professe dans les milieux bien-pensants.
A suivre...

Tout pour le profit

Dans le cadre de ma série sur le rôle régulateur de l'état, j'examine ici l'idée selon laquelle les industriels et commerçants seraient motivés uniquement par une logique de profit maximum. C'est-à-dire que la motivation financière écraserait toutes les autres.

En réalité les employés des entreprises privées ne sont pas motivés uniquement par l’argent, pas plus que les autres hommes. L’argent est une source de motivation parmi d’autres, dont l’importance relative fluctue au gré des individus et des circonstances. Il arrive très souvent qu’un travailleur du privé refuse un emploi mieux rémunéré parce qu’il préfère un autre emploi moins rémunéré, soit parce que ça l’intéresse plus, soit parce qu’il préfère la culture de la compagnie, soit parce qu’il croit aux produits et aux services qu’il contribue à créer ou à commercialiser.

En fait, un travailleur qui va bosser tous les matins uniquement pour l’argent est un homme profondément malheureux. C’est quelqu’un qui n’aime rien dans son boulot, et donc il le fait mal. Il aura une carrière peu brillante. Souvent ceux qui ont eu le plus de succès sont ceux qui étaient passionnés par ce qu’ils faisaient, et pour qui l’argent n’est venu qu’après-coup. Et cela, à tous les échelons de la compagnie, de l’employé le plus humble jusqu’au PDG et au conseil d’administration.

Je ne dis pas que l’argent n’est pas important, mais juste que c’est inhumain d’avoir une passion exclusive (l’argent ou une autre) à laquelle on sacrifie toutes les autres dimensions. Si on part du principe que ceux qui bossent dans le secteur privé sont par définition inhumains, si on les démonise a priori, c’est sûr qu’on va aboutir à de drôles de conclusions. Mais ces conclusions n’auront aucun rapport avec la réalité.

Pour toucher du doigt le caractère étrange de cette supposition, imaginez que vous réunissez dix personnes autour d’une table. Est-ce qu’il est possible qu’une seule et même chose les motive tous les dix ? Non ! Untel veut être célèbre, tel autre veut être riche, un troisème veut être intelligent, un quatrième du pouvoir, le cinquième veut travailler le moins possible, le sixième veut juste être heureux dans la vie, le septième met sa famille en premier, le huitième veut sauver des vies humaines, le neuvième veut répandre le bien, et le dixième ne sait pas ce qui le motive. Les êtres humains sont tous fondamentalement différents les uns des autres, et il n’y en a pas deux qui aient la même opinion. Il est donc inimaginable que les 16 millions de gens qui travaillent dans le secteur marchand en France puissent être motivés par un seul et même objectif à l’exclusion de tout autre.

Quant au mythe selon lequel les hommes politiques et fonctionnaires, eux, ne considèrent pas leur intérêt individuel et agissent uniquement pour le bien public (en supposant qu’un tel concept puisse être défini), il a été définitivement explosé par la théorie des choix publics de James Buchanan, prix Nobel d’économie 1986. C’est un mythe essentiellement propagé par les institutions d’enseignement contrôlées par des fonctionnaires, et on voit bien pourquoi. Si on part du principe que ceux qui bossent dans le secteur public sont des saints, c’est sûr qu’on va aboutir à de drôles de conclusions. Mais ces conclusions n’auront aucun rapport avec la réalité.

Gallatin







Réponse d'Emmanuel:



Pour résumer mon état d'esprit après lecture de ton article sur l'intérêt financier: "Touché mais pas coulé".

« Souvent ceux qui ont eu le plus de succès sont ceux qui étaient passionnés par ce qu’ils faisaient, et pour qui l’argent n’est venu qu’après-coup. » Entièrement d’accord, c’est une caractéristique fréquente chez la plupart des patrons d’entreprise que j’ai côtoyé. Cela dit c’était rarement des philanthropes.

Certains systèmes deviennent néanmoins des machines où le seul et unique critère est l’argent. Je conseille vivement de voir le documentaire « Sicko » de Michael Moore notamment pour l’audition (par une commission américaine) d’une femme médecin qui explique que son travail dans une compagnie d’assurance était de refuser la prise en charge des soins des assurés. Son avancement était lié aux résultats financiers obtenus, c'est-à-dire à l’argent non dépensé. Visiblement, le fait avoir accéléré la mort de nombre de ses assurés n’a pas rendu ce médecin heureux mais il s’est accommodé du système pendant bien longtemps. Et une immense majorité de ces collègues s’en accommode toujours si l’on juge les résultats financiers des compagnies d’assurance américaines.

En France il a fallut 29 années pour que l’amiante soit finalement interdite. Les résistances des entreprises concernées malgré les évidences sont un autre exemple de cet engrenage financier qui rend une activité à proprement parler criminelle.

Les fonctionnaires bien évidemment sont eux aussi parfois soumis à ces systèmes qui les font arbitrer contre l’intérêt public. Et je ne parle même pas ici des mécanismes de corruption.

Prenons l’exemple de la vaccination en France. Je ne m’étendrai pas ici sur l’inutilité et la nocivité des vaccins (c’est un avis personnel), sujet tabou au pays de Pasteur. Mais il convient de remarquer que la France continue d’obliger les nourrissons à recevoir 4 vaccins, alors que la plupart des pays européen ont reconnu la liberté de vaccination (certains pays ont même interdit des vaccins autorisés en France). Ces pays ne sont pas plus touché par des maladies graves que la France. Mais la France est le premier pays producteur de vaccin au monde. C’est notre camembert au lait cru médical. On n’y touche pas. Mieux on le subventionne au détriment de la santé des individus. Dans ce cas les entreprises poussées par leur propre intérêt mercantile, instrumentalisent le pouvoir régulateur de l’Etat pour maximiser leurs profits (cela me fait toujours bizarre d’utiliser une dialectique marxiste!) sans considération des besoins réels des clients.

Une digression au passage sur les fonctionnaires : un système peut aussi leur faire prendre des décisions contraires au bien public par soumission à des critères idéologiques. On pense à l’affaire du sang contaminé. Pour ne pas « discriminer » les prisonniers, on a sciemment continué à prélever du sang infecté du virus HIV. Dans ce cas c’est la pression idéologique du système qui a primé.

En conclusion, le terme « uniquement » pour qualifier les motivations financières des entreprises et entrepreneurs est sans conteste exagéré, mais il reste que certaines entreprises et certains entrepreneurs sont ou deviennent guidés uniquement par des considération mercantiles.

Le fait de dire qu’il existe naturellement d’autres motivations que l’argent, ce qui est vrai, n’enlève rien au fait que certaines personnes ou organisations ont pour unique motivation – et principal critère d’évaluation – l’argent. C’est un ensemble de facteurs qui créent un système ; ce système, une fois mis en place, devient le référent au détriment du bon sens naturel.

Refuser au nom d’un principe de se protéger d’une réalité dans certains cas précis me semble relever de l’angélisme, compréhensible pour un vieux professeur germanique dans son bureau, moins pour des responsables politiques (noter le mot « responsable »). Le monde est imparfait. Dans un monde sans régulation, les plus forts, les plus malins vont très souvent chercher à abuser des plus faibles, des gogos. C’est humain. Par nature ces régulations sont imparfaites ; elles sont créées et appliquées par des humains, pire des fonctionnaires (c’est une blague… pas la peine de réagir sur ce propos), mais ne sont-elles préférables au vide, lui-même imparfait.

Un dernier mot pour parler d’expérience personnelle : ayant passé beaucoup (trop) de temps en Chine ces dernières années dans des usines, tout consommateur conscient devrait allumer un cierge pour remercier l’Etat français des normes obligatoires concernant les produits de grande consommation.

Emmanuel.


La suite du débat ici.
A suivre...

Du rôle régulateur de l'état

Emmanuel, qui a créé le premier blog français sur Ron Paul, un candidat à l’investiture du parti républicain pour les élections présidentielles américaines de 2008, m’a envoyé un message récemment. Quand on sait que Ron Paul veut que l’état fédéral américain arrête de faire ce qui n’est pas explicitement autorisé par la constitution américaine, c’est-à-dire 90% de ce qu’il fait actuellement, on imagine qu’Emmanuel ne doit pas être un défenseur de l’étatisme envahissant... Dans ce message, il défend néanmoins l'existence de l'état pour son rôle régulateur.

J’ai du mal à envisager le non interventionnisme absolu de l’Etat. En pratique et pour donner un exemple, je suis ravi qu’en France l’Etat interdise la publicité pour les médicaments (ceux remboursés par la sécu me semble t-il). Cela me désespère toujours aux Etats-Unis de voir des publicités qui passent en boucle pour suggérer au téléspectateur que s’il ressent tel symptôme, c’est peut être parce qu’il a telle maladie, mais que miracle ce médicament va lui régler son problème, et qu’il lui suffit d’en parler à son docteur… Résultat, les américains sont persuadés qu’il existe une pilule miracle à tous leurs problèmes sans avoir à remettre en cause leur comportement. C’est humain… En conséquence, ils avalent des médocs qui masquent temporairement un problème, mais en créent automatiquement un autre en réaction, qui nécessite une nouvelle pilule…

Je pense à de nombreux exemples où l’Etat peut et doit avoir un rôle régulateur, et j’ai du mal à articuler cela avec le libéralisme / libertarianisme…

Autre exemple de régulation heureuse: En matière bancaire, l'encadrement des organismes de prêt à permis d'éviter en France des emballements suicidaires du type "subprime loans" aux Etats- Unis.

Cette objection est intéressante, et il y a sûrement beaucoup d’autres lecteurs qui pensent pareil. Je vais donc y répondre en détail. Emmanuel résume son point de vue avec ces mots:

On s'aperçoit que ces législations régulatrices ont pour effet de protéger les faibles, les naïfs, ceux qui n'ont pas le savoir, l'éducation, ou la maîtrise nécessaire de la complexité de notre société pour déjouer les pièges habiles des industriels et commerçants motivés uniquement par une logique de profit maximum et immédiat sans considération pour l'intérêt de leurs clients.

Cette phrase me semble particulièrement bien écrite, donc je vais me concentrer sur elle. Elle contient un certain nombre de suppositions :

  1. les industriels et commerçants sont motivés uniquement par une logique de profit maximum (la motivation financière écrase toutes les autres);

  2. les industriels et commerçants sont motivés uniquement par une logique de profit immédiat (vision à court terme au detriment du long terme);

  3. les industriels et commerçants agissent sans considération pour l'intérêt de leurs clients;

  4. les industriels et commerçants tendent des pièges habiles à leurs clients (mensonge, tromperie, fraude);

  5. il est possible de protéger les faibles, les naïfs, ceux qui n'ont pas le savoir, l'éducation, ou la maîtrise nécessaire de la complexité de notre société;

  6. il est désirable de protéger les faibles, les naïfs, ceux qui n'ont pas le savoir, l'éducation, ou la maîtrise nécessaire de la complexité de notre société;

  7. le gouvernement est le mieux placé pour protéger les faibles, les naïfs, ceux qui n'ont pas le savoir, l'éducation, ou la maîtrise nécessaire de la complexité de notre société;

  8. les législations régulatrices réussissent à protéger les faibles, les naïfs, ceux qui n'ont pas le savoir, l'éducation, ou la maîtrise nécessaire de la complexité de notre société (les régulations atteignent le but qu’elles se donnent).

Or, chacune de ces propositions est fausse. J'ai rédigé une série de billets qui les examinent une par une. On peut y accéder en suivant les liens contenus dans chacune des 8 propositions énumérées ci-dessus. Je n'ai pas inventé tout ça dans ma petite tête en cinq minutes, c'est extrait de livres bien plus scientifiques et rigoureux écrits sur le rôle de l'état par Ludwig von Mises, Murray Rothbard et Hans-Hermann Hoppe. Bien sûr, j'invite ceux qui veulent poster des commentaires (sérieux, comme ceux d'Emmanuel) à continuer le débat s'ils apportent des contre-arguments pertinents.
A suivre...

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