Surnaturel et collectivisme

Prenons le problème de l’état à rebours. Plaçons-nous du point de vue non des exploités que nous sommes, mais de celui de nos ennemis les exploiteurs.

Imaginons qu'un denommé Alexandre dise à Boniface : « Voilà, maintenant tu travailleras pour moi et obéiras à tous mes ordres. » Clairement on peut s’attendre à ce qu'Alexandre ait besoin de recourir à la violence pour contraindre Boniface à se soumettre, qu’il faille qu’il soit plus fort et lui fasse physiquement peur. C’est le modèle social de la démocratie athénienne et de la république romaine, dont l’économie était fondée sur l’esclavage et le fouet.

Néanmoins la violence physique, ça n’est pas la panacée. C’est dangereux : Alexandre pourrait se blesser au combat, ou infliger à Boniface des blessures susceptibles de diminuer sa capacité productive. Que vaut un esclave mort ?

Alexandre doit donc trouver un moyen de leurrer Boniface, de diminuer sa résistance psychique, de le convaincre d’être un esclave volontaire. Si tout ce qu’il a trouvé c’est de dire : « tu m’obéiras parce que j’ai envie qu’il en soit ainsi », ça risque de ne pas aller loin. En effet, Boniface est capable de retourner l’argument et de demander pourquoi c’est lui qui doit obeir à Alexandre et non le contraire. A ce moment-là, Alexandre sera coincé. D’où la nécessité d’invoquer un argument plus subtil.

La première idée est d’invoquer des forces surnaturelles : « Tu m’obéiras parce que Dieu en a décidé ainsi. » Encore faut-il que Boniface croie en Dieu, respecte les prêtres, et que ces mêmes prêtres aient oint Alexandre et ses aïeux, chantent ses louanges à l’église tous les dimanches. Il va falloir qu'Alexandre partage le bénéfice de la souveraineté avec le clergé. C’est faisable pour un temps. Ce petit arrangement entre amis a fait les beaux jours de la dynastie capétienne.

Mais un de ces quatre matins, Boniface cessera de croire en Dieu, ou de croire que Dieu a oint Alexandre. Ce jour-là, la monarchie héréditaire de droit divin s’effondrera.

Alors que faire ? Si Dieu n’existe plus, s’il n’y a ni Paradis ni Enfer, je dois quand même trouver un argument pour convaincre Boniface de m’obéir, sans lui avouer que j’ai décidé qu'il devait m’obéir parce que ca m’arrangeait bien. Diantre, ce n’est pas facile... Il faut trouver quelque chose qui soit au-dessus de Boniface, mais qui ne soit ni moi, ni Dieu. Il ne reste pas grand-chose – si : les autres ! La voilà, la seule solution possible : dire que c’est parce que je parle au nom de tous les autres (non pas au nom d’un voisin particulier, mais au nom de l’humanité toute entière ou presque) que Boniface doit m’obéir.

Certes, il faudra justifier que je suis mieux à même d’interpréter la volonté des autres que Boniface, lui faire admettre que la volonté des autres existe, qu’il doit s’y soumettre, et que cette volonté exige qu’il obtempère précisément aux instructions qu’il me plaît de proclamer. Mais c’est quand même plus facile que de le frapper, de lui faire croire à des histoires surnaturelles, ou de lui avouer la vérité.

De cette analyse il ressort que les arguments collectivistes sont les seuls qui puissent générer un comportement d’esclave volontairement soumis maintenant que Dieu n’est plus à la mode. C’est tragique le nombre de gogos qui avalent de telles balivernes…

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