Sarko contre Ségo

Au deuxième tour des élections présidentielles s'affrontent deux démocrates sociaux de tendances légèrement différentes mais fondamentalement d'accord sur la primauté du rôle de l'Etat. Tous les membres de l'establishment, à commencer par les journalistes de télévision, se sont visiblement réjouis du résultat du premier tour des élections présidentielles. Bientôt des millions de Français, pénétrés de leur importance, vont docilement se rendre aux urnes pour choisir l'heureux élu parmi ces deux pantins. Tout cela semble fort éloigné de l'oppression communiste qui sévissait dans l'ex-URSS jusqu'à l'effondrement du Mur de Berlin et dans la Chine de Mao. Mais n'est-ce qu'une illusion? Relisons un extrait d'un article publié par Murray Rothbard en 1992 à ce sujet.

L'utopie de la marche en avant de l'Histoire, objectif des démocrates sociaux, est similaire, mais pas complètement identique, à celle des Communistes. Pour les Communistes, les objectifs étaient la nationalisation des moyens de production, l'élimination de la classe des capitalistes et l'arrivée au pouvoir du prolétariat. Les démocrates sociaux se rendent compte qu'il vaut bien mieux que l'Etat socialiste conserve les capitalistes et une économie de marché tronquée qui soit régulée, limitée, contrôlée et soumise aux ordres de l'Etat. Le but de la démocratie sociale n'est pas la «guerre des classes», mais une sorte d'«harmonie des classes» dans laquelle les capitalistes et le marché sont forcés de travailler comme des esclaves pour le bien de la «société», et de ce parasite qu'est l'appareil d'Etat.

Les Communistes voulaient une dictature du parti unique où tous les dissidents seraient éliminés ou enfermés au Goulag. Les démocrates sociaux préfèrent de loin une dictature «douce», ce que Marcuse a appelé, dans un autre contexte, la «tolérance répressive», avec un système à deux partis où les deux partis sont d'accord sur tous les points fondamentaux et s'affrontent poliment sur des détails mineurs. («Faut-il augmenter les impôts de 5% ou de 7% cette année?») La liberté d'expression et de la presse seront tolérées par les démocrates sociaux, mais là encore tant qu'elles se limitent à des débats mineurs et triviaux. Les démocrates sociaux sont effarouchés devant la brutalité nue du Goulag; ce qu'ils préfèrent est d'envoyer les dissidents subir la dictature «douce», «thérapeutique» des «stages de sensibilisation» et les «éduquer à respecter la dignité des modes de vie alternatifs». Autrement dit: Brave New World au lieu de 1984. La «marche en avant de la démocratie» plutôt que la «dictature du prolétariat».

Je trouve que ça va comme un gant à Sarko et Ségo.

2 commentaires:

Damien Theillier a dit…

Excellente analyse de Rothbard, merci pour cette trouvaille ! Mais selon moi, son analyse s'applique aussi et surtout à Bayrou et à ce centre mou qui va devenir de plus en plus important dans notre pays. Bravo pour tous vos articles, remarquables de clareté et de pertinence.

Gallatin a dit…

Merci Nicomaque, je n'ai malheureusement pas eu la chance d'avoir un prof de philo comme vous en terminale...

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